9.07.2024

ANATOMIE D'UNE "BAD GIRL" (French review)

 Parlons aujourd'hui du célèbre et controversé album de La Toya "Bad girl" (sortie aussi sous d'autres titres), cet album est autant adoré que détesté par ses fans et finalement il représente assez bien les contradictions qui ont parsemé la carrière d'une chanteuse très productive (11 albums enregistrés) mais qui a toujours souffert d'un complexe d'infériorité qui l'empêche de s'affirmer pleinement en tant qu'artiste.

 Il est raisonnable considérer l'album "Bad girl" plus comme un album des années 80 que 90. D'ailleurs sa date de sortie reste controversé. 
 Mais il est probablement sortie début 1990 (en vinyle et cassette chez Sherman Records). Toujours est-il que La Toya l'a présenté au public en 1989 lors de ses premiers concerts aux Etats-Unis comme l'atteste la vidéo VHS "A sizzling spectacular" sortie fin 89. Le 45 tours de "Bad girl" (même pochette que l'album) est lui aussi sorti à la fin des années 80 chez Teldec. La chanteuse préparait donc son grand retour en continuant la veine euro-pop amorcé sur son précédent album en laissant de côté le côté plus urbain hip-hop qu'elle avait essayé avec Full Force.

Mais alors pourquoi l'album complet a t-il été finalement refusé à Teldec pour être donné à un petit label, nous ne le savons pas vraiment, il est probable que Jack Gordon (l'impétueux manager de La Toya) ai tenté une négociation à la hausse avec Teldec en demandant que sa chanteuse (qu'il venait d'épouser de force et dont il gérait les finances à son propre avantage) soit mieux payée et que la maison de disques ai refusé. C'est finalement Sherman Records qui obtient les droits d'exploitation de l'album quelques mois plus tard.
Toujours est-il qu'au départ cela devait être un disque de 10 titres (comme le précédent) avec seulement les pistes de 03 à 12. Honnêtement je pense que cette version de l'album aurait mieux marché avec une promotion cohérente et sérieuse. De cette façon ce sixième album de La Toya Jackson aurait été plus cohérent musicalement. 

Mais la carrière de La Toya est pleine de surprises et de rebondissements et immédiatement son manager lui fait enregistrer de nouvelles chansons et travailler avec de nouvelles équipes en Italie. Ainsi naissent "You and me" (une adaptation d'une ballade italienne complètement réinventé par La Toya, sa version est beaucoup plus moderne) et "Sexual feeling" à l’extrême opposé qui est un morceau provocant qui surfe sur la vague house music de 89-90 et s'inspire surement aussi bien de "French kiss" de Lil Louis que de "Love to love you baby" de Donna Summer. Ces deux chansons très différentes sortent en 45 tours, malgré son étrangeté il semble que "Sexual feeling" rencontre un certain succès en Europe, une nouvelle version remixé sera d'ailleurs présenté rapidement. 

 Avec le deal que Sherman Records vient d’obtenir l'album "Bad girl" sort finalement mais agrémenté de ces deux titres propulsé aux avant-postes de l'album. C'est à mon avis une très mauvaise idée, car l'incohérence de ses deux titres en ouverture vient ternir tout le reste du L.P qui se positionne comme un disque de pop très agréable à écouter dans la lignée des productions de Paula Abdul, Kylie Minogue ou Sabrina. 
 Pour commencer "Sexual feeling" (Rhapsody album version) est l'un des pires morceaux de la chanteuse, ce n'est qu'une suite de gémissements plutôt gênants en totale opposition avec la nature pudique et délicate de la chanteuse, pourtant le "La Toya remix" est une version beaucoup plus réussie et bien plus musicale puisque la chanteuse s'improvise rappeuse avec pas mal d'aplomb. Ce remix aurait du figurer dans l'album car il correspond mieux à l'ambiance générale du projet.
Pour ce qui est de "You and me" le deuxième titre, c'est une jolie chanson mid-tempo qui commence comme un ballade et devient plus dynamique, c'est une chanson correcte mais qui aurait mieux été en dernier titre de l'album. On appréciera tout de même la jolie performance de La Toya sur ce titre au festival de San Remo, une occasion pour elle de prouver qu'elle est une vraie chanteuse.
 Dans l'ensemble le disque propose des titres plutôt courts assez bien mixés et réalisés avec un son qui n'est pas sans rappeler les productions allemandes de Sandra ou Modern Talking ou tout simplement les productions de Stock Aitken & Waterman. La voix douce et sucrée de La Toya est particulièrement bien mise en avant sur ce projet. 
 Le troisième titre "He's my brother" est tout simplement un hommage d'un sœur à son frère. A bien des égard cette chanson correspond parfaitement à l'idée qu'on peut se faire de La Toya. Une jeune femme mignonne et naïve en admiration devant son génie de petit frère: l'incontournable Michael Jackson. Il est probable que les nombreux scandales qui entourait déjà la figure publique de Michael ai poussé la jeune femme a écrire cette chanson.













"Restless heart" est une chanson pop parfaitement calibrée qui a le mérite d'avoir un refrain entêtant. La chanson comme tant d'autres ici est tout à fait radio-friendly. Le seul petit bémol est le manque de créativité dans son développement, au bout d'un moment le morceau devient un peu répétitif. 

"Be my - Playboy" est quant à lui une véritable bombe, un des meilleurs morceaux de la carrière de la chanteuse assurément. Le titre fait un clin d'oeil aux photos de La Toya pour le célèbre magazine de charme. Cette chanson est entraînante et comporte de nombreux gimmicks inoubliables. La Toya, qui a participé aux paroles, semble indiquer qu'elle cherche dans sa vie un homme séduisant, voir deux! Quel dommage que le morceau n'ai pas bénéficié d'une sortie single officielle. 

"You can count on me" apporte un son légèrement plus urbain et agressif à l'album sans reussir à égaler les titres de 1988 de la chanteuse. Le refrain mémorable est tres bien pensé mais dans l'ensemble le titre est un peu trop répetitif, il aurait mérité un mixage plus ambitieux.
 Deuxième ballade de l'album: "Somewhere" est une sublime chanson nostalgique qui voit La Toya produire une de ses plus belle performance vocale. La chanson qui raconte un amour impossible semble être la bande-originale d'un film romantique ou d'un dessin-animé. "Somewhere" est à titre personnel une de mes chansons preféré de la chanteuse américaine et je suis assez satisfait qu'elle ai pu chanter ce titre de nombreuses fois en télé.

La chanson-titre de l'album "Bad girl" qui a bénéficié d'un passage télé faisant office de clip en Allemagne est à coup sûr un titre très accrocheur et réussi. En toute logique ce titre aurait du faire l'ouverture de l'album. La méchante fille ici n'est pas La Toya mais une ambitieuse qui veut lui voler son fiancé, La Toya ne va pas se laisser faire! La production du titre rivalise certainement avec les tubes de la fin des années 80. Il existe deux remixes très réussis de la chanson, qui a même eu, en plus des vinyles, un pressage Maxi CD. 




 Un peu de douceur avec "Be my lover"une ballade que certains apprécieront pour son classicisme, musique tendre, paroles romantiques et saxophone. Dans l'ensemble ce titre anecdotique ferait plutôt office de musique d'ascenseur. Pas vraiment une grande réussite mais pas désagréable à écouter...

"He's so good to me" revient aux fondamentaux euro-pop de l'album, la chanson se retient bien. Le contraste entre des couplets aiguisés et novateurs et un refrain plus doux et mignon avec de la harpe est intéressant. Globalement c'est un bon titre, il manque juste un peu d'ambition pour révéler tout son potentiel. Tristement au moment de l'enregistrement de la chanson La Toya était deja sous la coupe de son manager psychopathe Mr Gordon, qui était sauf "bon" avec elle.

 Ayant toujours eu un goût considérable pour les musique estivales, La Toya nous emméne en Amérique latine avec le titre "Do the salsa". Cette chanson dont elle a co-écrit les paroles est peut-être celle qui évoque le plus les premières années de sa carrière. Ce titre est une reussite, il est très accrocheur et amusant et donne envie de danser, il aurait été judicieux de le sortir en single pour l'été 90. 

 L'album se conclut avec le titre "Piano man" où la chanteuse évoque le destin d'un pianiste qui attend son heure de gloire. Elle même n'ayant jamais eu la reconnaissance qu'elle méritait on peut dire que ce titre lui colle à la peau. C'est un titre de pop music plutôt bien calibré et festif (sans être exceptionnel), certain pourrait lui reprocher sa simplicité enfantine mais c'est justement cette naïveté et cette fraîcheur qui fait le charme des chansons de La Toya Jackson.

 Pour conclure, La majorité des titres de "Bad girl" sont efficaces et agréables à écouter mais manque souvent d'un peu de personnalité ou d'originalité.

 Étrangement l'album a été assez bien promotionné, La Toya chantant plusieurs chansons phares de l'album en télé surtout en Europe dont évidemment les trois 45 tours (avec des looks incroyables, des danseurs et des prestations soignés). Le public aura la chance de découvrir à l'antenne d'autres chansons du LP comme "Be my playboy" ou "Somewhere". Mais très vite la chanteuse et son équipe s'investissent dans d'autres projets: le single "Why don't you want my love?"et l'album "No relations".

 Ensuite Sherman Records revend les droits d'exploitations du disque a de nombreux labels qui vont tous, pendant 10 ans, sortir leur version du CD en le présentant souvent comme une compilation (à tort). Certaines versions proposent un tracklisting différent ce qui est intéressant, malgré tout il semble que le morceau "Sexual feeling" ai toujours du mal à s'integrer dans le projet, ce n'est donc pas plus satisfaisant. L'album connaîtra même une version deluxe tardive avec de nombreux bonus tracks. 
Même si beaucoup d'observateurs analyse que "les années Gordon" ont ternis la carrière de La Toya et ont été un désastre pour elle sur le plan personnel, il faut tout de même reconnaître que La Toya a produit beaucoup de musique a cette période et que la période 88-92 est tout de même assez intéressante avec un repositionnement plus "pop" pour la chanteuse, de nombreux titres inoubliables et de belles prestations télé. 
 Quant au look, La Toya n'a jamais été aussi glamour. Donc en réalité c'est surtout à partir de 1993 que les choses se dégradent avec une carrière uniquement réorienté vers des reprises diverses rarement réussies (sans parler des scandales médiatiques). 

 En 1990 La Toya semblait avoir presque toute les cartes en main pour avoir du succès et de la reconnaissance, mais de nombreux couacs viennent entacher le projet "Bad girl". Ironiquement c'est l'album qui reste le plus connu de la cinquième Jackson car aussi bien en support CD que digital, cet album a toujours été disponible partout dans le monde et ses ventes totales aujourd'hui doivent être considérable même si impossible a calculer vu que pleins de labels se sont partagés le privilège de sa distribution.

 Si vous êtes un fan de pop music et que vous avez la nostalgie des années 80-90, il vous faut absolument découvrir l'album "Bad girl", nul doute que vous trouverez de nombreuses pépites dans cet album qui incarne une certaine idée de la musique populaire insouciante. 





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